sexta-feira, 1 de fevereiro de 2013

PORNOGRAFIA DA DEMOCRACIA




Pornographie de la démocratie


No encerramento do fórum organizado por France-Culture, em parceria com o "Nouvel Observateur", no grande anfiteatro da Sorbonne, no passado dia 26 de Janeiro, o eminente filósofo Alain Badiou proferiu uma importante lição, de que se transcreve um resumo:

«Une magnifique pièce de Jean Genet, "le Balcon", confronte le règne des images et le réel de la révolte. On part d'un bordel, d'un lieu clos intégralement consacré aux fantasmes. Genet voit parfaitement que ce qui avère la férocité cachée du pouvoir contemporain est la prolifération de l'obscénité des images.

Dehors, cependant, l'émeute ouvrière gronde, comme elle gronde aujourd'hui, en dehors du bordel occidental, chez les ouvriers des mines d'Afrique du Sud, dans les milliers de révoltes ouvrières en Chine, ou encore dans le "printemps arabe" à sa naissance. Mais aussi dans les foyers où s'entassent, chez nous, les ouvriers venus d'Afrique.

La question profonde du "Balcon", posée à l'émeute incertaine, est alors la suivante : l'émancipation politique peut-elle se soustraire aux images ? La difficulté est que le pouvoir nu, qui se cache derrière la subtile plasticité et la séduisante obscénité des images du monde démocratique et marchand, n'a pas lui-même d'image, il est un réel nu, celui de l'Etat, qui, loin de chercher à nous délivrer des images, en garantit la puissance.

Le bordel des images

Le personnage de la pièce de Genet qui montre sur scène cette puissance sans image de l'image est très normalement le chef de la police. Il est l'emblème du pouvoir nu, parce qu'il est le laissé-pour-compte des images. Personne ne désire le chef de la police, contrairement au grand sportif, au présentateur de télévision, au bienfaiteur professionnel, au politicien démocrate des sommets de l'Etat, au top-modèle ou au milliardaire du show-business, qui sont, eux, les profiteurs du bordel des images.

Le problème central, pour qui veut se soustraire au pouvoir du pouvoir, est de se désencombrer de son enchaînement aux images, et pour cela de savoir qui est le préfet de police de ses convictions les plus intimes. Quel est le ressort subjectif de notre consentement au monde tel qu'il va ? Depuis que l'idée de révolution s'en est absentée, notre monde n'est que le recommencement de la puissance, sous des images consensuelles et pornographiques, de la démocratie marchande.

Mon optimisme est qu'une pensée forte, organisée et populaire, qui ferait face à ce recommencement, peut interrompre le cycle du retour, lequel nous a ramenés à un état des choses - la domination illimitée du capitalisme libéral - voisin de celui des années 40 du XIXe siècle. Détruire notre préfet de police intérieur - notre consentement à l'imagerie du bordel occidental - n'a pas pour noyau actif la critique du capitalisme. Ceux qui se contentent d'une critique de l'économie proposent invariablement un capitalisme régulé et convenable, non pornographique, écologique et toujours plus démocrate. Rien ne sortira de ces chimères.

La nudité poétique du présent

La seule critique dangereuse et radicale, c'est la critique politique en acte de la démocratie. Parce que dans nos pays l'emblème du temps présent, son fétiche, c'est la démocratie. Tant que nous ne saurons pas mener à grande échelle une critique créatrice de la démocratie, nous stagnerons dans le bordel financier des images. Nous serons les serviteurs du couple formé dans la pièce de Genet par la patronne du bordel et le chef de la police : le couple des images consommables et du pouvoir nu.

De quelles sortes d'images désimaginantes avons-nous besoin, nous qui tentons de maintenir ouverte la porte par laquelle on s'évade de la caverne de Platon, du règne démocratique des images sans pensée ? Comment trouver la force de nous évader de l'imagerie contemporaine, et de devenir les communistes d'un nouveau monde ? Comme le dit dans "le Balcon" un des révoltés : "Comment approcher la Liberté, le Peuple, la Vertu, et comment les aimer si on les magnifie ! Si on les rend intouchables ? Il faut les laisser dans leur réalité vivante. Qu'on prépare des poèmes et des images, non qui comblent mais qui énervent."

Préparons donc ces poèmes et ces images qui ne comblent aucun de nos désirs asservis. Préparons la nudité poétique du présent.»

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