sábado, 8 de fevereiro de 2020

GABRIEL MATZNEFF E AS FOGUEIRAS DA INQUISIÇÃO

 
 
 
O famoso escritor francês Pierre Assouline transcreveu hoje, no seu blogue "La république des livres", o artigo publicado também hoje, por Thomas Clerc, no jornal "Libération":
 
 

L'ÂGE PIVOT
 

par Thomas Clerc

Quel beau télescopage de l’actualité littéraire et politique : on est en France. Quoi qu’on pense de l’homme Gabriel Matzneff (et on en pense plutôt du mal ces jours-ci), on ne peut nier complètement l’auteur d’un journal pas désagréable à lire, où la pédophilie joue un rôle… mineur, entre potins littéraires et visites à Mitterrand (François), tout ce qui fait le sel d’un genre peu prisé aujourd’hui, remplacé par des blogs haineux ou fades. Matzneff appartient à un autre âge, celui de l’impunité de la littérature, mais aussi celui d’une certaine conception du débat. Appelons-le, en hommage à son incarnation, «l’âge Pivot».

En revoyant la fameuse émission d’Apostrophes sur YouTube, qui fait scandale trente ans après (décidément la littérature n’est pas contemporaine), j’ai d’abord été saisi par la qualité du débat. Contrairement à ce qu’affirment les atrocités sur Internet, l’émission, d’une sobriété tendue, n’est pas à la gloire de Matzneff, taclé avec courage par Denise Bombardier. Profitant du décalage culturel passionnant entre l’esprit des années 90 et celui du vieux monde, elle a toute latitude pour renverser en sa faveur la rhétorique suintante d’un lettré trop sûr de lui. Or qu’entend-on partout ? Que l’émission est «ignoble», que Pivot est le valet de Matzneff, qu’il n’aurait jamais dû inviter, etc. Bref, on souhaite la mort des débats comme des pervers. Le problème, c’est que la littérature est le fruit de leurs amours.

Apostrophes était une émission géniale : grâce à elle, j’ai fait mon éducation littéraire contemporaine pendant mes années de formation. Nous regardions religieusement et ironiquement tous les vendredis soir, ma mère et moi, la reconstitution d’un télé-salon. Matzneff est-il le seul à en avoir profité ? Des sourds croient entendre des rires de complaisance pendant l’intervention de Bombardier ; ils émanent surtout des invités cachés derrière les écrivains (Jardin reste coi) : à la différence d’aujourd’hui où le public est sommé d’applaudir dans une arène fascisante, les réactions du public d’Apostrophes n’engagent que leurs auteurs. On n’était pas aux jeux du cirque, mais à une époque où la parole était ouverte, pivotante. Le malaise qui s’installe grâce au direct fait partie du jeu de la parole, qu’il ne s’agit pas d’interdire, mais d’écouter.

Apostrophes a beaucoup fait pour la littérature, la démocratie et la télévision. Pivot, d’abord, laisse parler ses invités : le temps n’est pas encore une denrée rare. Or rien ne dit que laisser parler quelqu’un, c’est l’approuver. Si Pivot n’avait dû inviter que les écrivains qu’il aimait, il n’aurait pas fait ce noble métier de journaliste. Mais à l’heure des flics de la Toile d’araignées, l’opinion publique ne tolère que des gens purs. Grâce à l’âge Pivot, j’ai pu former mon œil à l’éthique de l’écrivain. Godard disait justement qu’à la télé, on voit si quelqu’un ment ou non. Ainsi le personnage Matzneff joue-t-il sans le savoir en sa défaveur, en vertu de ce qui échappe à tout sujet parlant : sa manière d’être, son langage, son image de dandy faisandé qui exhale une complaisance qu’on retrouve dans son Journal, où autrui n’existe que comme faire-valoir. Mais, dans le même moment, ce rôle détruit en live par le clash de Bombardier, produit un très beau morceau de télévision. C’est là l’essentiel, et non l’immoralité de Matzneff, qui ne choquait personne à une époque où la pédophilie était souvent tolérée : à quoi sert-il de critiquer l’esprit d’un temps qui n’est plus le nôtre ? Il faut vivre au présent : dans vingt ans, on crachera sur nos mœurs.

La sobre mise en scène d’Apostrophes fut la garantie de son succès, créant des moments d’anthologie télévisuelle qui sont restés dans la mémoire collective, idéal moribond d’une culture commune : ce fut Nabokov caché derrière une pile de livres et révélant qu’on pouvait être un grand écrivain et un piètre orateur, l’esclandre du jeune Nabe, les bégaiements de Modiano, Bukowski ivre, Pacadis ou Annie Le Brun rivant leur clou aux féministes, moments paralittéraires grandioses. L’âge Pivot est hélas révolu : en face, l’émission insipide de François Busnel, dont pas un seul moment n’a jamais marqué et ne marquera jamais les mémoires, en raison de sa soumission aux lois du marché et de l’autopromotion, fait regretter sinon les «trois milliards de pervers» dont parlait le pro-pédophile Michel Foucault, du moins les quelques écrivains qui ont l’ignorance de leur propre bassesse, révélée par un chef-d’œuvre télévisuel.

THOMAS CLERC
 

(dans Libération du 8 février 2020)

1 comentário:

Anónimo disse...

Afinal Savonarola,Torquemada e amigos não foram enterrados nos caixotes de lixo da História,estão vivíssimos e de boa saúde,inspirando os novos censores,agora com muito melhores meios tecnológicos de persuasão e manipulação. O frade florentino queimava livros,quadros e rebeldes,agora queima-se o Matzneff,o Pivot,o Foucault e tutti quanti. Durante anos,acompanhei deliciado os "Apostrophes", programa de um nivel suponho hoje impossivel, onde a cultura,o humor e a liberdade conviviam numa atmosfera hoje desaparecida. Para sempre? Embora não dado a pessimismos,temo que sim. Era verdadeiramente o "Mundo de Ontem"...