Jacques Julliard
A LA RIGUEUR !
Comment empêcher que l'inévitable politique d'austérité ne provoque une catastrophe majeure?
Gare à nous, la crise arrive ! Reconnaissons-le : jusqu'ici, à l'exception des chômeurs, les Français ne l'avaient guère ressentie. Leur pouvoir d'achat avait été préservé. Pour les plus riches (bouclier, primes, bonus), il avait même bondi en avant. Mais voici que François Fillon vient de l'annoncer : nous allons entrer dans la rigueur. En accord avec le président ou en lui forçant la main ? On ne sait, mais qu'importe ! Du reste, le métier de Cassandre ne lui réussit pas si mal, à François Fillon...
Ce tournant, le plus important du quinquennat, traduit une réalité qui s'applique à tout le monde occidental : nous allons cesser de vivre au-dessus de nos moyens. En temps de crise, quand les marchés attaquent, impossible de financer plus longtemps par l'emprunt la prospérité paradoxale que nous venons de vivre. Des économistes sérieux (Eric Le Boucher, Slate.fr) estiment qu'à l'instar de la Grèce, les particuliers des autres pays européens pourraient connaître une baisse de leur pouvoir d'achat de 20 à 30% dans les années à venir. S'ils disent vrai, il faut s'attendre à des explosions sociales majeures, aux conséquences politiques imprévisibles. Et ce n'est pas la création bienvenue d'une sorte de FMI européen, décidée dimanche à Bruxelles - elle sauve pour le moment l'euro -, qui y changera quelque chose : bien au contraire.
Puisque, fort heureusement, nous ne dis posons plus, comme en 1929, d'échappatoires imaginaires et apocalyptiques qui avaient nom fascisme à droite et communisme à gauche, il va falloir se résigner à soigner le dérèglement fou du capitalisme à l'intérieur même du système capitaliste. La question n'est donc déjà plus de savoir s'il faut ou non faire une politique d'austérité mais bien de concevoir à quelles conditions l'austérité ne débouchera pas sur une catastrophe majeure. Pour ma part, j'en vois trois.
1. Il faut impérativement que les restrictions annoncées épargnent l'investissement, c'est-à-dire le seul vrai moyen de sortir de la crise. Si la rigueur devait se traduire par un ralentissement de l'activité économique alors que nous avons besoin d'une relance de la croissance pour réduire le chômage et éponger nos dettes, le remède serait pire que le mal.
2. Il faut non moins impérativement que les sacrifices soient justement répartis, qu'au lieu d'accroître les inégalités, comme actuellement, ils les réduisent, c'est-à-dire qu'ils s'appliquent d'abord aux plus riches. Le bouclier fiscal, surtout symbolique, et les niches fiscales, bien réelles celles-là, doivent disparaître. C'est la seule chance de maintenir un minimum de cohésion nationale. Et la rigueur n'est pas toujours incompatible avec une politique de gauche.
3. Jusque-là, rien que de très difficile mais rien d'irréalisable. La troisième condition, un consensus politique minimal, elle, relève de l'impossible. C'est en 2007, au lendemain de l'élection de Nicolas Sarkozy, alors que la prospérité était encore là et que sa popularité était à son zénith, qu'il eût fallu lancer une politique de rigueur et de réforme des retraites. Il en avait les moyens ; il les a gaspillés en distribuant de l'argent à tout le monde. Comme Mitterrand en 1981 et avec les mêmes résultats : se trouver fort dépourvu quand la crise fut venue... Trop tard. A deux ans de la présidentielle, plus de consensus national possible !
Pourtant, Sarkozy a fait l'ouverture ! Quelle ouverture ? Je n'appelle pas de ce nom une médiocre politique de débauchages individuels en direction de quelques transfuges impatients ou en fin de carrière. Il n'y eut aucune négociation, aucun effort de rapprochement programmatique.
On ne saurait donc être optimiste. Le plus probable est que la France va encore perdre deux ans, s'épuiser dans des luttes sociales infécondes et un grenouillage électoral démoralisant. Je voudrais me tromper.
PS. : Sous le titre « Mainstream », Frédéric Martel a écrit un livre majeur, fondé sur une enquête approfondie au sujet de la culture de masse à travers le monde. Je m'apprêtais à en faire l'éloge quand j'ai trouvé dans «le Nouvel Obs» de la semaine dernière une exécution sommaire du livre, d'une injustice évidente. J'invite nos lecteurs à en juger par eux-mêmes.
PS. : Sous le titre « Mainstream », Frédéric Martel a écrit un livre majeur, fondé sur une enquête approfondie au sujet de la culture de masse à travers le monde. Je m'apprêtais à en faire l'éloge quand j'ai trouvé dans «le Nouvel Obs» de la semaine dernière une exécution sommaire du livre, d'une injustice évidente. J'invite nos lecteurs à en juger par eux-mêmes.
(Le Nouvel Observateur, nº 2375 - 13 a 19 Maio 2010)
1 comentário:
Há lapso no título ou no texto,que em nada correspondem. Ou é algo de tão subtil que se torna incompreensivel para medianas mentes? Agradecem-se esclarecimentos.
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