L'utilisation par le Mossad de vrais-faux passeports européens embarrasse Israël
La liquidation de Mahmoud al-Mahbouh, l'un des fondateurs de la branche armée du Hamas, le 20 janvier, dans un hôtel de Dubaï, était-elle un coup de maître destiné à éliminer un terroriste ou une opération bâclée qui a inutilement exposé Israël pour un bénéfice stratégique modeste ? Deux analyses développant ces thèses opposées ont été publiées le même jour, la semaine dernière, par le quotidien israélien « Haaretz ». Ces divergences illustrent les incertitudes de l'opinion publique israélienne face à l'opération de Dubaï. La question principale - le Mossad a-t-il assassiné Mahmoud al-Mahbouh ? est officiellement sans réponse. Le gouvernement israélien se borne à faire observer qu'aucune preuve formelle n'implique ses services secrets dans cette affaire. « I l n'y a aucune raison de penser qu'il ne s'agisse pas des services secrets d'autres pays en train de faire des bêtises. Vous regardez trop de «James Bond» », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. Son vice-ministre, Danny Ayalon, a été plus catégorique : «Rien ne relie Israël à l'assassinat de Mahbouh », a-t-il affirmé dimanche. Ce qui était audacieux.
Si le Mossad a été accusé dès le début des investigations par la police de Dubaï, ce n'est pas seulement parce que Mahmoud al-Mahbouh était depuis longtemps une cible des services secrets israéliens, pour avoir organisé l'enlèvement et l'exécution de deux soldats israéliens, mais aussi en raison de ses liens avec Téhéran. Ce que Danny Ayalon a feint d'oublier, ce sont les indices découverts par les policiers de l'Emirat. Sur les quinze citoyens « européens » - au moins - qui composaient le commando chargé de la liquidation, et qui ont été identifiés grâce aux caméras de surveillance de Dubaï, huit détenaient des passeports britanniques aux noms de citoyens de Sa Gracieuse Majesté aujourd'hui installés en Israël. Les noms, les données d'état civil, les numéros des passeports étaient les leurs. Seules les photographies avaient été changées.
Le passeport allemand au nom de Michael Bodenheimer, utilisé par un autre membre du commando, avait été délivré le 18 juin 2009 à Cologne à un homme qui avait présenté un passeport israélien à ce nom et produit un extrait d'acte de mariage de ses parents dont la famille avait été persécutée par le régime nazi. On ignore, pour le moment, comment les autres membres du commando s'étaient procuré cinq passeports irlandais et un passeport français, faux, selon le Quai-d'Orsay.
Même si ces indices - qui pourraient être étayés par des écoutes téléphoniques - n'établissent pas avec certitude, selon le gouvernement israélien, l'implication du Mossad, ils ont conduit Londres, Paris, Dublin et Berlin à exiger des explications d'Israël et provoqué une vive protestation de l'Union européenne. Pourquoi le Mossad a-t-il monté à Dubaï une opération aussi peu discrète ? Maladresse ou provocation ? «Le Mossad élimine un tueur d'Israéliens et un agent de liaison avec l'Iran, avance un expert. En même temps, il montre aux dirigeants du Hamas, qui détiennent toujours le soldat Gilad Shalit, qu'aucun d'entre eux n'est à l'abri Et il envoie un avertissement à Téhéran et à Dubaï, plaque tournante des trafics de la République islamique. »
René Backmann
Le Nouvel Observateur
Publicado no nº 2364, de 24 de Fevereiro a 3 de Março 2010
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