Pela sua importância transcrevemos o artigo de Daniel Cohen, publicado no nº 2709 de "L'OBS" (6 a 12 de Outubro corrente)
L'économie n'est pas une science exacte, par Daniel Cohen
POINT DE VUE. Pour le directeur du département d'économie de l'Ecole normale supérieure, rien n'est pire que l'illusion scientiste, le chercheur sérieux doit accepter la contradiction.
"La
réalité, c'est ce qui, quand on cesse d'y croire, ne s'en va
pas." Cette phrase de Philip K. Dick, l’auteur de science-fiction,
reprise par le sociologue Louis Chauvel, fait comprendre pourquoi
l’économie fait partie du réel de nos sociétés. On peut éteindre
son poste, cesser de penser au burkini et aux Gaulois, et ils
disparaissent… Chercher un emploi, avoir du mal à finir le mois, sont
des problèmes qui restent.
Si l’économie et ce qu’elle entraîne sont bien dans notre réel, les économistes en sont-ils les ingénieurs? Cette question hautement spéculative est revenue à la une, à la suite d’un essai au titre nauséabond ("le Négationnisme économique, et comment s’en débarrasser", par Pierre Cahuc et André Zylberberg, Flammarion). Les auteurs y affirment que l’économie est une science dans laquelle le seul obstacle à la manifestation de la vérité est le babil des faux savants.
Un peu de modestie aurait été un meilleur point de départ. Car les économistes se sont beaucoup trompés dans le passé. Les classiques, Malthus et Ricardo, ont cru que la pauvreté était la condition irrémédiable des ouvriers. Ils n’ont pas vu que le progrès technique allait permettre d’augmenter les salaires. Pendant la crise des années 1930, les économistes de renom se sont à nouveau égarés, recommandant d’abaisser les salaires pour soutenir l’emploi. Keynes a corrigé leur raisonnement mais, dans les années 1970, les keynésiens se sont à leur tour fourvoyés, recommandant une relance de la demande sans voir que leurs remèdes étaient devenus inflationnistes.
Les concepts forgés par Ricardo ou Keynes restent fondamentaux, mais leur usage exige du doigté, du jugement. Le problème de l’économie est en effet que son objet mute constamment, comme les espèces selon Darwin mais sur une échelle de temps infiniment plus courte… Le désarroi contemporain tient au fait qu’on ne sait pas où elle nous entraîne. Un monde de logiciels et de robots est en train de naître. Bien malin qui peut dire à coup sûr quelles en seront les conséquences sur la croissance et la répartition des richesses. Dans ce monde inquiet, les économistes tendent à produire un savoir de plus en plus compartimenté. Professionnellement, on leur demande d’être spécialisés dans des domaines étroits. La société leur adresse une demande exactement inverse : produire un savoir global, cohérent.
Grâce aux données qu’ils peuvent désormais mobiliser, les économistes disposent certes de compétences nouvelles, et les gouvernements seraient bien avisés de les utiliser pour évaluer l’efficacité de leurs politiques. Mais lorsque des questions "lourdes" sont posées – faut-il sortir de l’euro ? accueillir un million de réfugiés ? relancer la croissance de long terme ? – aucun économiste "sérieux" ne peut arguer qu’il détient le bon modèle. Il doit présenter ses arguments humblement, et accepter la contradiction. Rien n’est pire que l’illusion scientiste, l’anathème, dont l’usage grandissant témoigne davantage des temps mauvais que nous traversons que de l’annonce de nouvelles Lumières.
Daniel Cohen
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