segunda-feira, 18 de janeiro de 2016

MICHEL TOURNIER




O escritor francês Michel Tournier morreu hoje em Choiseul com 91 anos. Autor de notável obra, recebeu em 1970 o Prémio Goncourt pelo livro  Le Roi des Aulnes, que seria passado ao cinema pelo realizador Volker Schlöndorff, com o título original de Der Unhold (em português, O Ogre). Homem de refinada sensibilidade, celibatário convicto, além do romance cultivou também o ensaio, ficando a dever-se-lhe uma produção do maior interesse, roçando em muitos casos uma marginalidade intencionalmente assumida.

Transcreve-se a notícia de "Le Monde":

Il ne pensait pas grand bien de la vieillesse, se plaignait de s’ennuyer et de ne plus pouvoir voyager à ceux qui venaient lui rendre visite dans sa retraite de la vallée de Chevreuse, le presbytère de Choisel où il s’était installé il y a plus d’un demi-siècle. Venu tardivement à l’écriture – il avait 42 ans lors de la parution de son premier roman –, Michel Tournier avait cessé de publier des fictions au mitan des années 1990. Il laisse derrière lui une œuvre saluée, dès ses prémices, pour son importance, sa capacité à mêler les mythes et l’Histoire, le prosaïque et la transcendance, mais numériquement peu conséquente, au regard de sa longévité – neuf romans pour adultes et enfants, une poignée de recueils de contes et nouvelles, quelques essais ; au printemps 2015, Gallimard avait fait paraître Lettres parlées à son ami allemand Hellmut Waler, 1967-1998. Régulièrement cité pour le prix Nobel de littérature, Michel Tournier est mort le 18 janvier chez lui, à Choisel, entouré de ses proches, a précisé son filleul, Laurent Feliculis, que l’écrivain considérait comme son fils adoptif. Il avait 91 ans.

Né en 1924 dans une famille de germanistes – son père a abandonné l’enseignement de l’allemand pour se lancer dans le commerce –, Michel Tournier se destine à la philosophie, qu’il étudie, au lendemain de la seconde guerre mondiale, à l’université de Tübingen. Rentré en France après avoir obtenu sa licence, cet admirateur de Kant, dont il se targuera toute sa vie d’être l’un des rares propriétaires de l’œuvre intégrale en allemand, et de Jean-Paul Sartre, son « père spirituel », renonce à ses projets après avoir échoué à l’agrégation à deux reprises. Il répétera souvent qu’il n’aurait pas écrit s’il avait été reçu à cet examen.

« Vendredi ou la vie sauvage » et « Le Roi des Aulnes »

Ami de Gilles Deleuze, Roger Nimier ou Pierre Boulez, il commence à travailler pour la Radio-diffusion télévision française, puis Europe 1, avant d’entrer comme lecteur et traducteur de l’allemand (notamment d’Erich Maria Remarque) chez Plon. Au début des années 1960, ce passionné de photographie présente l’émission télévisuelle « Chambre noire ». En 1970, il sera à l’origine des Rencontres d’Arles, premier festival mondial consacré à cet art.

Entre-temps, il a fait une entrée extrêmement remarquée sur la scène littéraire, en publiant chez Gallimard (qui publiera l’essentiel de son œuvre) Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1970), le premier roman de sa production qu’il ait estimé digne d’être présenté à un éditeur. Le succès, public et critique, est immédiat, pour cette relecture rousseauiste du mythe de Robinson, qui obtient le Grand Prix de l’Académie française. En 1971, il réécrit pour les enfants ce premier roman, sous la forme de Vendredi ou la vie sauvage. Etudié dans les classes, vendu par millions d’exemplaires, celui-ci restera la « rente » et le « livre fétiche », comme il le disait, de celui qui ne conçoit pas d’écrire pour n’être pas lu.

Trois ans après Vendredi paraît Le Roi des Aulnes, qui vaut à son auteur le prix Goncourt, attribué à l’unanimité. Ce roman emprunte son titre à un célèbre poème de Goethe et raconte l’histoire d’Abel Tiffauges, français emprisonné en Allemagne à la suite de la drôle de guerre, qui, après avoir croisé Göring, finira par devenir « l’ogre de la forteresse de Kaltenbom » recrutant de force des enfants destinés à périr dans la défense de cette forteresse lors de l’invasion soviétique. Si ce texte démontre la grande connaissance que possède Tournier de la civilisation germanique, il déploie toute la limpidité de son écriture pour conjuguer réalisme et magie, ou plutôt une forme de surnaturel : son grand modèle littéraire est le Trois contes de Flaubert. Avec ce deuxième roman, l’écrivain indique aussi la place prépondérante que tiendra l’exploration des figures célèbres et des personnages légendaires dans son œuvre. A l’ogre de Kaltenbom répondra ainsi en 1978 celui, « hippie », du Coq de Bruyère. En 1975, Les Météores, le troisième grand roman de Michel Tournier achève de prouver cette fascination pour les mythes : il y explore celui de Castor et Pollux à travers des personnages gémeaux. La place qu’y tiennent les ordures ménagères témoigne, elle, de l’intérêt de Tournier pour ce qu’il désigne comme une « esthétique du merveilleux sordide » – sachant qu’il ne dédaigne pas une pointe de scatologie, si elle se mêle de philosophie, comme c’était le cas dans Vendredi et Le Roi des Aulnes.

Lauréat puis membre du jury du Goncourt

Ses trois premiers romans resteront, de l’avis général, les grandes œuvres de Michel Tournier. Il est devenu un personnage incontournable de la vie littéraire, même s’il vit, retiré, à Choisel, pour en éviter la plupart des tentations. Depuis 1973, il fait partie du jury du prix Goncourt. Ses livres continuent d’être accueillis comme des événements. Ainsi des nouvelles du Coq de Bruyère (1978) ou de son quatrième roman, Gaspard, Melchior et Balthazar (1980), sur les Rois mages, où il montre le visage, nouveau, d’un mystique. Ainsi, encore de Gilles et Jeanne (1983), dans lequel il se penche sur les personnages de la Pucelle et de Gilles de Rais, son maréchal devenu ogre. En 1985, La Goutte d’or lui permet d’évoquer sa passion de la photographie à travers le parcours d’un jeune Berbère, qu’un cliché pris par une touriste a dépossédé de son image, et qui part à la recherche de cette femme, ce qui lui fera connaître le racisme en France.

Dans les années 1980 et 1990, Michel Tournier est devenu à ce point central dans la littérature française que François Mitterrand vient, à quatre reprises, lui rendre visite dans son abbaye au cours de ses deux mandats. Installé à Choisel mais peu porté sur le mythe de l’écrivain retiré dans sa tour d’ivoire, il s’exprime beaucoup dans les médias, français et étrangers, ne dédaignant pas faire assaut de propos provocateurs ou choquants. En 1989, ce célibataire enthousiaste déclare au journal Newsweek : « Les avorteurs sont les fils et les petits-fils des monstres d’Auschwitz. Je voudrais rétablir la peine de mort pour ces gens-là » – il justifie plus tard ces propos, qu’il ne renie pas, par un dégoût « viscéral » pour l’interruption volontaire de grossesse. En 1996, il affirme que la loi Gayssot, qui qualifie de délit la contestation de crime contre l’humanité, transforme « un fait historique en un article de foi dont la négation devient un blasphème » – sa phrase établissant un parallèle entre la Shoah et le dogme de l’Immaculée Conception.

Ses camarades de l’académie Goncourt le défendent toujours, et il est un pilier de la vie littéraire. Ses livres, nouvelles, romans, essais, sont publiés et traduits dans le monde entier, tandis que lui, fier d’être devenu un « auteur scolaire », passe une grande partie de son temps dans les écoles, à expliquer son œuvre et communiquer le plaisir de la lecture aux enfants. Même s’il écrit, lui, de moins en moins.

En 2009, il décide de quitter l’académie Goncourt, à cause de son âge, de la fatigue et de son manque d’appétit – nécessaire pour les agapes délibératives chez Drouant. Apparaissant éternellement coiffé, ces dernières années, d’un petit bonnet de laine, cet ancien amoureux des voyages (notamment en Afrique subsaharienne et au Canada) se dira jusqu’au bout satisfait de l’existence qu’il a menée. En 2002, l’amateur de « vrai roman » allergique à l’évocation de l’intime, avait fait paraître un Journal extime, dans lequel il écrivait : « Une idée pour le paradis : après ma mort, je suis placé devant un panorama où toute ma vie est étalée dans les moindres épisodes. Libre à moi de revenir sur celui-ci ou celui-là et de le revivre (…). C’est que je suis dévoré de nostalgie et de regret en me souvenant de scènes de ma vie auxquelles je n’ai pas accordé l’attention qu’elles méritaient. »

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