Pelo seu interesse e originalidade, transcrevemos o artigo hoje publicado no jornal "Libération":
Ecrire un livre nostalgique sur les pissotières ? Marc Martin
l’a fait. Dans un ouvrage illustré à la fois de photos érotiques et de
documents rares –“Toilettes publiques, histoires privées”–, il dresse
l’histoire d’un lieu qui inspira les plus grands écrivains.
Attiré
par les fantômes et les fantasmes urbains, le photographe Marc Martin consacre
aux pissotières un ouvrage inédit et chargé de mélancolie –Toilettes publiques, histoires privées–, qui ressuscite le souvenir de tout un pan
d’histoire. Qui se souvient encore des petits édicules, qui parsemaient le
vieux Paris ? «Ces phares urbains, insolites, abritaient discrètement, sans
stigmates, tous les désirs du monde.» En préface de l’ouvrage, Joël
Hladynink (dirigeant du groupe Gai-pied), rappelle avec lyrisme l’importance
qu’ont pu avoir, pour toute une communauté, ces lieux d’aisance aux relents
d’ammoniaque. «Les pissotières... Sales ? Infamantes ? Dégradantes ?».
Oui et non. C’étaient des «lieux de passage» c’est-à-dire, par essence,
des lieux d’initiation et de mystères. On y allait pour «l’attraction du
danger», braver les interdits, affronter sa part d’ombre au
hasard d’une rencontre. Dès 1913, l’écrivain Paul Lintier (qui va
mourir peu après d’un éclat d’obus), écrit dans Les Pissotières magiques ou le rituel de la pluie «que la magie recule presque
partout devant les progrès de la technique», mais que les pissotières
résistent, même quand on les construit sous la terre, comme des lieux de
dévotion où s’accomplissent d’occultes cérémonies.
«Oui,
c’était bandant de se mater dans les chiottes»
Pour
Marc Martin, c’est là qu’il fait ses classes. «Les pissotières étaient
en voie d’extinction quand j’ai commencé à les fréquenter». Il affirme y
avoir «découvert beaucoup d’humanité ; beaucoup plus que dans certains lieux
actuels dits de rencontre et de convivialité.» Les «imaginaires en marge», les
«interstices» l’ont toujours attirés. Mais surtout l’image de
lieux voués à l’abandon qui portent en eux la mémoire collective des hommes. De
fait, le premier chapitre s’intitule Le Cimetière des pissotières.
Il est illustré par les photos noir et blanc de vespasiennes art nouveau mises
en pièce, qui gisent dans un terrain vague. Triste vision de fin du monde. Ces
vespasiennes aux formes végétales faisaient de Paris la ville la plus
folle du début du XXe siècle. Elles avaient été dessinées par l’architecte
Gabriel Davioud, en charge de tout le mobilier urbain parisien : colonnes
Morris, fontaines, bancs, lampadaires, grilles d’arbre… Leurs formes végétales
couleur vert bouteille introduisaient la nature sur les trottoirs. «Fleurissent
à Paris ces fameux kiosques-urinoirs de 3 à 16 places selon leurs
configurations. On n’en croise pas moins de 4000 sur le pavé au début du siècle
dernier!, s’émerveille Marc Martin. Fallait-il s’appeler
Freud pour se douter que dans de tels espaces […] les hommes entre eux,
côte à côte avec leur sexe à la main, ne se contenteraient pas d’uriner ?»
Chapelle, Tasse, Pagode, Ginette, Pistière…
La
ville lumière s’enorgueillit de ses édicules : elles sont appelées Vespasiennes
par allusion à l’Empereur Vespasien qui jadis mit en place un système de
latrines publiques, par mesure d’hygiène. Dans l’argot populaire on les renomme Tasse,
Théière ou Parloir par allusion ironique aux salons
de thé : des lieux où l’on cause. On les appelle aussi Ginette, Baie, Gogue ou Pagode.
Celles à trois places sont des Chapelles. Celles à deux places des Causeuses.
Dans la Recherche, Marcel Proust les nomme Pistière. En
1910, au cours d’un long séjour à Paris, Eugène Wilhelm
(1856-1951), qui recopie les graffitis homosexuels dans les pissotières,
s’étonne de leur abondance : «Je ne connais aucune ville dans laquelle il y
ait autant de pissotières que Paris. Sur les boulevards et les rue principales
se dresse un pissoir à 3 stalles toutes les dizaines de mètres. On en compte
plusieurs milliers à Paris tandis qu’à Berlin on peut marcher plusieurs
kilomètres, notamment dans la Friedrichstraße, sans croiser un seul pissoir.» En
effet, Berlin, à ce moment-là, compte à
peine 139 édicules pour répondre aux besoins pressants de la population
masculine. Hélas… Dans l’après-guerre, la tendance va s’inverser.
Faire
la chasse aux pissotières
Alors
que Paris «déclare le combat à ses urinoirs», notamment dans les
quartiers chics, Berlin, «dans son plan de reconstruction va inonder la
ville de nouveaux pissoirs de toutes sortes.» En Allemagne les quelques
“Cafés Achteck” ayant résisté aux bombardements, sont désormais
classés monuments historiques. En France, et malgré l’hommage appuyé d’Henry
Miller (en 1946, dans un texte intitulé Printemps Noir) à ces lieux
qui permettent de «pisser librement», les autorités s’émeuvent de ce que
ces lieux blessent la morale et la décence publique. Après plus
d’un siècle d’exploitation, leur suppression est votée au conseil
municipal de Paris, en 1961. En cause : non pas l’odeur, mais les mauvaises
fréquentations de l’endroit. Progressivement, les édicules sont détruits. Puis
remplacées par des cubes «couleur du temps : gris», ainsi que le
souligne si justement Marc Martin, prévues pour un usage strictement
individuel, à entretien automatique. On les appelle des sanisettes, un nom
aussi laid que leur apparence. Elles sont installées pour la première fois à
Paris en novembre 1981 par la société J.C. Decaux. «Persécutées puis
assassinées par Decaux et ses sanisettes, les pissotières de la capitale
débarrassent définitivement le plancher au milieu des années 80 et s’en vont
toutes mourir, à l’abri des regards, en banlieue parisienne.»
Avec
les urinoirs, c’est un siècle d’histoire qu’on assassine
Même Edgar Morin s’en
émeut. A 92 ans, dans un entretien pour Rue 89, en 2013, le philosophe déplore la
perte de convivialité d’une capitale déshumanisée, évoquant l’importance
des vespasiennes pour la communauté homosexuelle. En introduction de son livre,
Marc Martin répète : «Les lieux sont la mémoire, et bien plus, les
lieux survivent à la mémoire.» Mais que se passe-t-il quand on les détruit
? On perd plus qu’un patrimoine. On perd une forme de sociabilité. Marc Martin
note avec acuité qu’on trouve régulièrement, «des gerbes de fleur à la Genet
au pied des “monuments” arrachés». Tout au long des années 1970-80 qui voient
disparaître les édicules, des hommes ressentent comme un vide la perte de ces
urinoirs collectifs, remplacés par des toilettes individuelles, insipides et
aseptisées qui s’ouvrent automatiquement au bout de 10 minutes afin qu’aucun
couple ne puisse s’y désirer. Ginette, reviens ! Avec cette conscience aiguë de
la mort qui frappe les humains à travers leurs lieux de rencontre, Marc Martin
en appelle à la résurrection des Gogues. Il n’y en a plus qu’une seule à Paris
mais, dit-il, l’ultime «survivante, boulevard Arago dans le 14
arrondissement, vespasienne à deux places disjointes […] ne me parle pas.
Elle semble perdue ; comme posée là dans un autre temps, au milieu de nulle
part, sur un trottoir où personne ne passe […] Elle sonne faux.»
Le dernier des WC d’antan
Cette pauvre vespasienne, située
sous les miradors de la prison de la Santé, «condamnée à n’être plus que le
souvenir d’un temps qui n’est plus» est parfaitement représentative du sort
que Paris réserve aux pissotières. Il est d’ailleurs significatif que Marc
Martin n’ait pas pu –malgré plusieurs années de travail acharné– monter
aucune exposition sur ce thème à Paris : aucun Musée n’a accepté, même ceux
dont les Directeurs se montraient très favorables. C’est donc à Berlin, au
Schwules Museum (Musée de l’homosexualité), que l’on pourra bientôt voir une
grande rétrospective sur l’histoire des urinoirs, l’occasion de vérifier sur le
vif cette vérité : dans une ville qui a gardé ses pissoirs, il y a plus de
désirs et d’imaginaire que dans une ville qui sent le chlore. Et si vous ne
pouvez pas vous rendre en Allemagne, reste le livre-catalogue pour mesurer
l’ampleur de ce qui s’est perdu.
A LIRE : Fenster zum Klo, Toilettes publiques, histoires privées (ouvrage bilingue
allemand-français), catalogue d’exposition de 300 pages, couleur,
éditions Agua, sortie le 10 novembre 2017. En pré-vente aux Mots à la bouche.
A VOIR : Exposition
Fenster zum Klo, Toilettes publiques, histoires privées, au Schwules
Museum (Lützowstraße 73, 10785 Berlin), du 17 novembre 2017 au 5 février 2018.
RV le 15 novembre pour la suite de cet article. (Vous voulez du soupeur ?).
1 comentário:
Curiosamente em Inglaterra sao comuns as caixas de preservativos em urinois masculinos, ocorrem em aeroportos ou centros comerciais.
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