sexta-feira, 2 de outubro de 2009

A MORAL DELES

Escreve Jacques Julliard no Nouvel Observateur nº 2342, de 24 a 30 de Setembro de 2009:

Leur morale et la nôtre *


Si, face au cynisme de l'économie de tripot, les socialistes ne représentent plus l'aspiration du peuple à la justice, alors on peut les renvoyer à la niche


Il paraît que le G20, qui se réunit jeudi et vendredi à Pittsburgh, s'est donné la noble tâche de moraliser le capitalisme. On lui souhaite bien du plaisir. Et je ne prends guère de risque en prédisant qu'il va échouer. Déjà, la limitation des bonus gargantuesques des traders est au-dessus de ses forces, Barack Obama n'y peut mais. La morale sociale américaine, que l'on nous somme depuis des décennies d'admirer, peut bien s'accommoder du mensonge diplomatique, de la manipulation de la presse et de la torture des prisonniers, mais non de la limitation des profits, c'est sa nature. Semblable au scorpion de la fable, qui ne peut s'empêcher de piquer à mort l'animal occupé à lui sauver la vie, parce que piquer est sa nature, le capitalisme financier, à peine le danger écarté, s'est relancé dans la spéculation la plus effrénée et la course aux bonus les plus extravagants : que voulez-vous, c'est sa nature.

La morale, elle, n'entre pas dans son code génétique. Le fondateur de la doctrine capitaliste moderne, Adam Smith, nous en avait avertis dès le XVIIIe siècle : ce n'est pas de la philanthropie du boucher ou du boulanger que nous devons attendre notre bifteck ou notre baguette, mais de leur désir de s'enrichir. C'est ainsi que la plupart des économistes classiques raisonnent à partir de la célèbre fable des abeilles de Mandeville. L'instinct qui pousse chaque abeille à accumuler du miel, autrement dit sa cupidité, fait la prospérité de la ruche. Ainsi, «les vices privés font les vertus publiques». C'est pour en avoir convaincu nos contemporains que le libéralisme reste légitime malgré la déception qu'il suscite. Il a gagné la bataille intellectuelle contre ses adversaires : les banquiers s'en mettent plein les poches mais il en reste un peu pour les nôtres...

Oui, mais aujourd'hui, la fable de Mandeville ne marche plus : le miel s'est métamorphosé chez les traders en une infâme mélasse, et quand ils recueillent du vrai miel, ils le gardent pour eux, tandis que la ruche dépérit. Le fécond amoralisme du libéralisme classique a fait place au brigandage pur et simple.

D'où le retour en force de la morale dans le discours politique. Le citoyen le plus naïf sent bien aujourd'hui qu'on l'a roulé dans la farine : l'indignation se mue en dénonciation morale des malfaiteurs parachutistes. Et les bons apôtres du libéralisme de crier au «moralisme»... Ici une mise au point s'impose. La morale, c'est la rigueur envers soi-même; le moralisme, le prêchi-prêcha envers les autres. Seuls les gens moraux ont le droit de dénoncer le «moralisme» de leurs censeurs. Ce n'est évidemment pas le cas de nos «élites» qui ont sombré dans le cynisme et la cupidité.

Qu'est-ce donc que la morale en matière sociale ? Pas autre chose que la justice.
Nous sommes aujourd'hui dans une société aussi injuste, aussi illégitime que celle de l'Ancien Régime finissant. Elle finira aussi mal, je n'ai pas d'hésitation à le dire.
- Mais vous-même avez parlé de morale !
- En effet, j'ai parlé de morale. Non à propos du capitalisme, mais à propos du socialisme. Si, face au cynisme de l'économie de tripot, les socialistes ne représentent plus l'aspiration du peuple à la justice, alors on peut les renvoyer à la niche. La représentent- ils, cette aspiration ? - Si peu ! Nombre de leurs dirigeants sont des banquiers à la petite semaine, des spéculateurs à la manque. A ceux-là, je ne confierais pas mon portefeuille. Aujourd'hui, si le socialisme ne parvient pas à convaincre à l'échelon national, ce n'est pas d'abord à cause de la démagogie de Sarkozy, de ses propres divisions internes ou de l'absence d'un leader. C'est à cause de l'indignité de ses dirigeants. Voyez la différence avec les élus locaux, considérés à tort ou à raison comme plus honnêtes : ils gagnent.
Hier Carcassonne, aujourd'hui Briançon, demain…


C'est pourquoi je répète ce que j'ai déjà écrit ici : plus le capitalisme est immoral, plus nous avons besoin d'un socialisme moral. Je tâcherai une prochaine fois de dire ce qu'il pourrait être.

(*) Ce titre, on le sait, est de Léon Trotski (1938)


1 comentário:

Anónimo disse...

Preparava-me para reagir a esta visão extraordinàriamente redutora,simplista e ultrapassada dos conceitos de "Capitalismo" e Socialismo,acrescentando de passagem alguma preocupaçãp pelo aparente declínio da inteligência francesa,quando felizmente,vejo que o trabalho está feito,e onde,no próprio "Nouvel Obs."desta semana pela pena de Jean Daniel,e até do próprio Julliard.Nem todo o pessimismo se confirma!
J.Daniel vem citar a sua adesão de sempre às ideias de Mendès France (um dos melhores e mais desaproveitados políticos franceses do século XX)e refere:"Mais il avait consacré sa thèse de droit à la politique financière de Poincaré et il avait sur le capitalisme quelques idées qui nous intéressent ici. Il était keynésien,favorable à l'Etat-providence,partisan de la régulation et de l'impôt,passionné par les analyses de Galbraith et admirateur du socialisme suédois. Pour autant,il faisait une confiance totale à l'économie de marché et il était hostile aux socialistes pour qui le mot réformiste était obscène et qui restaient fidèles au rite consistant à préconiser la mise en commun des moyens de production et à chanter "l'Internationale". Bref,l'anticapitalisme n'était pas son fait.Il ne manquait jamais une occasion de rappeler que le capitalisme américain s'accommodait parfois volontiers d'un certain degré de protectionnisme." Obrigado,Daniel,pela lucidez e pela memória de Mendès. E o próprio J.Julliard,numa crónica apropriadamente intitulada "Cro-Magnon et Bananania" que os nossos BE-PCs deveriam ler,se pudessem assimilar o que não lhes convem,vem dizer,a propósito da derrota dos sociais-democratas nas eleições alemãs: "Tant que les gauchistes de toutes farines n'auront pas accepté franchement l'économie de marché et resteront barricadés derrière les palissades du socialisme Cro-Magnon,ils seront sans prise sur la réalité et constitueront électoralement l'armée de réserve de la droite." Francamente,é dificil não pensar,embora não seja o caso,que o Julliard se referia tambem às eleições portuguesas,e ao nosso socialismo Cro-Magnon. A herança da inteligência lúcida e analítica de Raymond Aron não desapareceu graças a Deus em França,mesmo entre a Esquerda. A minha incurável francofilia não tem assim razões para esmorecer. Tout est bien qui finit bien.