sexta-feira, 13 de abril de 2018

CONTRA O LIBERALISMO

 

 Hybris


adieu Montesquieu, Locke et Kant !

La philosophie libérale originelle était une pensée de la limite, une quête de frontières à imposer à la toute-puissance des Églises ou des États, une volonté de séparer le judiciaire et l'exécutif, le temporel et le spirituel, le privé et le public, l'économique et le politique. Il s'agissait de saisir l'homme dans sa radicale finitude et de produire un antidote à l'hybris, la démesure qui mène les civilisations à leur perte. Or que voit-on aujourd'hui triompher sous le même nom de « libéralisme » ? Précisément l'inverse.

On voit se propager la confusion des sphères privées et publiques, les tentations monopolistiques, le refus de la finitude humaine, la volonté de toute -puissance. On voit des entreprises multinationales se jouer des lois de nations et leur imposer les leurs. On voit des groupes privés commençant à en savoir  - donc à en pouvoir - plus sur chacun d'entre nous que nos Ètats respectifs. On voit des pontes des Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) réfléchir à un homme neuf, augmenté, débarrassé des contingences telles que la vie en commun ou la mort individuelle, concevoir les villes de demain, inventer les espaces publics à venir - des espaces publics qui auront la petite spécificité d'être privés - et planifier des îles artificielles échappant à tout État, ce vieux rêve de pirate enfin à portée de main.

On voit Mark Zuckerberg hésiter à se présenter à la présidence des Ètats-Unis, certain de gagner avant de jouer: soit il se porte candidat et confirme la tendance générale à l'abolition de la distinction entre le chef de l'entreprise et le chef d'État (seul un "bon" patron comme lui peut en chasser un "mauvais" comme Trump), soit il ne se lance pas dans la course et on déduira la vacuité de la chose politique ("il a mieux à faire"). On voit Thélème fleurir dans le Silicon Valley. Les commentateurs s'extasient sur le côté cool et désinvolte  de la communauté Google, oubliant que, chex Rabelais, le "Fais ce que voudras" de Thélème conduit au conformisme absolu («Si l'un ou l'une  d'entre eux disait: "Buvons", tous buvaient; s'il disait: "Jouons", tous jouaient. S'il disait: "Allons nous ébattre aux champs", tous y allaient») et suppose des masses des esclaves aux alentours de l'abbaye fantasmée pour que les élus puissent s'adonner à leurs plaisirs.

On voit, en un mot comme en mille, les individus les plus riches du monde produire une utopie, le transhumanisme, et avoir les moyens de la réaliser. Car il ne s'agit pas là simplement de business, mais bien de vision du monde. De philosophie. Les Rockefeller d'aujourd'hui se voient en réincarnations 2.0 des rois philosophes de Platon. Ces jeunes milliardaires proclament la mort de la mort: «Elle était hier un mystère, elle est désormais un problème à résoudre», avance Peter Thiel, ancien étudiant en philosophie devenu investisseur phare de la Silicon Valley, décidant de ses placements en fonction de ses idées plutôt que l'inverse. Nous allons vers quelque chose qui est loin, très loin de Locke. Ou de Smith. Certes, nous y allons en bermuda et en claquettes, sans costume ni cravate, à coups de "likes" et "smileys", mais nous y allons quand même, à toute vitesse. L'histoire retiendra qu'en ce début de siècle le libéralisme poussé à son paroxysme donna naissance à son antithèse: l'hybris ultralibérale des Gafa. Il est temps d'explorer la doctrine des maîtres-penseurs de l'époque. Pour comprendre ce vers quoi nous avançons. Et, peut-être - qui sait? - saisir l'impérieuse necessité de ne pas s'y rendre.

Montesquieu, reviens, ils sont devenus fous!

 

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